Écrivez ce que vous désirez écrire, c’est tout ce qui importe, et nul ne peut prévoir si cela importera pendant des siècles ou pendant des jours.
Virginia Woolf, Une Chambre à soi
À l'apport des femmes en arts
Passionnée par les peintres et les écrivaines, fatiguée de les voir reléguées à l'ombre d'un timide coup de plume ou de pinceau, je voulais ici leur donner la lumière qu'elles méritent.
"The pictures were painted directly through me, without preliminary drawings and with great power. I had no idea what the pictures would depict and still I worked quickly and surely without changing a single brush-stroke."
"I fight pain, anxiety, and fear every day, and the only method I have found that relieves my illness is to keep creating art. I followed the thread of art and somehow discovered a path that would allow me to live."
« Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un homme traitant une femme d’égale à égal, et c’est tout ce que j’aurais demandé, car je sais que je les vaux. »
Berthe Morisot, Carnets
Rivage avec une mer bleue
Eleanor Harris (Américaine, 1901-1942)
Un blog strictement amateur (malgré un bagage solide en lettres modernes, études culturelles et arts plastiques) pour parler de femmes ? Il faut être insensée pour investir là dedans ! Et pourtant. Je dois mettre lumière mes muses, afin que plus jamais, jamais, quand je parle d'une autrice à la fin d'un cours de littérature, on me dise "sileprofesseur n'en a pas parlé, c'est qu'elle n'était pas si importante que ça".
Hilma af Klint, peintre suédoise, est peu connue du grand public. Pourtant, elle met en scène dans ses tableaux des séries de courbes allant jusqu’au mystique, ce pourquoi le magazine Les Beaux Arts l’appelle “la prophétesse de l’abstraction”. Jusqu’en octobre, cette artiste est en vedette sur Une Chambre à soi, pour une rétrospective de cette artiste méconnue malgré un univers très riche.
Hilma af Klint… Méconnue, mais percusseuse en son genre, puisqu’elle viendra peindre des formes géométriques et abstraites bien avant Kandinsky ou Piet Mondrian1. Née le 26 octobre en Suède, elle y suit une formation à l’académie royale des Beaux-Arts entre 1882 et 1889. La Suède, tout comme la Norvège ou l’Islande, est un des rares pays à ouvrir ses académies d’arts aux femmes, d’où la prévalence d’artistes féminines clés en provenance de ces pays, pourtant parfois méconnues du public français.
A ses vingt ans et pendant son séjour à l’académie d’art, elle réalise avec bio, mais sans se distinguer des traditions de son époque. C’est qu’elle est en train d’établir sa réputation d’artiste : elle ne s’autorisera que plus bien plus tard, à 40 ans sa recherche spirituelle, dans laquelle son art joue un rôle clé. Elle commence alors, à 44 ans, une série de paysages symboliques “en se laissant guider”, dans une rationalisation et matérialisation de sa recherche des clés de l’univers2.
C’est normal : pour trouver des résultats qui ne relèvent ni de Wikipedia, ni de plateformes de ventes aux enchères où d’images, il faut aller sur Google Scholar. N’aurais-je pas acheté Les Pionnières, Femmes et impressionnistes de Laurent Manoeuvre1, dont l’oeuvre Femme Ramant (~1892) prône fièrement en couverture, aurais-je découvert Maria Wiik ? J’en doute. Non seulement c’est une femme, mais en plus, elle vient d’un pays Nordique, dont la France et ses auteurs ont l’air d’ignorer l’existence. Heureusement, des traces de son passage sur la scène impressionniste (suite…)
Vigarello, Georges, Histoire de la beauté, l’art d’embellir les corps de la Renaissance à nos jours (2004), Éditions du Seuil, Points Histoire, Paris, 352p.
Froidevaux-Metterie, Camille, « La beauté féminine, un projet de coïncidence à soi », Le Philosophoire (2012), vol.2, no.38, pp.119–130
Braizaz, Marion, « Feminity and Fashion : How Women Experience Gender Roles Through their Dressing Practices, (2019), Cadernos de Arte e Antropologia, vol.8, no.1, pp.59–76
Devoir réalisé pour le master 1 études culturelles en 2019
Introduction
Les ouvrages choisis sont Histoire de la beauté (2004) de Georges Viagrello, l’article « La beauté féminine : un projet de coïncidence à soi » (2018) de Camille Froidevaux-Metterie et « Feminity and Fashion : How Women Expérience Gender Role Through their Dressing Practices » (2018) de Marion Braizaz. Tous traitent des pratiques d’habillement et d’embellissement du corps, avec un regard particulier posé sur les femmes. En effet, bien que l’Histoire de la beauté proposée par Vigarello se veuille mixte, force est de constater que les femmes sont au cœur de son ouvrage, comme elles sont au cœur de ces pratiques. Il écrit lui-même à ce sujet « l’histoire de la beauté ne saurait échapper à celle du genre et des identités » (p.XIV). Ainsi, il apparaît que les femmes construisent leur identité de genre grâce aux pratiques de beauté. Il est dès lors possible de se demander ce que cela dit des relations entre les deux sexes, et du rôle de l’histoire culturelle dans l’étude de ces représentations. Après une synthèse des trois éléments du corpus, il sera vu en quoi normer le corps des femmes représente les enjeux de domination auxquelles elles sont sujettes, puis comment elles se le réapproprient ou non pour exprimer leur moi intérieur.
Première partie : incarnations de la féminité et de la masculinité comme un positionnement social
D’abord, le livre de Vigarello, Histoire de la beauté, retrace l’histoire des pratiques liées à la beauté et au corps de la Renaissance jusqu’à nos jours. Il montre l’importance des représentations collectives – les standards de beauté étant liés à une époque et une société – mais aussi celle des considérations mentales et matérielles dans l’élaboration du Beau. Cela le conduit rapidement à dire que le sexe féminin est celui de la beauté : « La beauté valorise le genre féminin au point d’en paraître comme l’achèvement » (p.27), ce qui introduit la dimension genrée dans la considération
de celle-ci. Cette dimension permet de faire le lien avec l’article « La beauté féminine : un projet de coïncidence à soi » où Froidevaux-Metterie conçoit la beauté féminine comme « projet ». Selon elle, l’existence de la femme est nécessairement incarnée, d’avantage même que celle de l’homme. Ainsi, lorsqu’elle entreprend de « s’orner », c’est pour correspondre à qui elle est intérieurement. Cette idée est reprise par l’autrice de « Feminity and Fashion : How Women Expérience Gender Role Through their Dressing Practices » : elle fait le point sur une série d’enquêtes menée auprès de françaises sur leurs habitudes vestimentaires et leur rapport à la féminité. Elle en dégage quatre positionnements possibles : un rapport réussi, ironique, par défaut ou flottant. Ainsi, les pratiques vestimentaires du « beau sexe » représentent non-seulement les conceptions d’une société à un moment donné, mais viennent traduire le rapport de la femme à soi et aux autres, ce qui en fait un outil d’analyse utile des questions de domination genrée. (suite…)
Je voudrais profiter de ce dernier mois de vacances pour lancer sur ce blog un projet qui me tient à coeur : parler de mes artistes féminines préférées au travers une série d’articles. Je ne sais pas si j’arriverai à leur faire honneur, ni à tenir mes résolutions, et encore moins à trouver un public par ici. Afin de commencer en douceur, j’aimerais réécrire un article que j’avais fait pour une de mes anciennes tentatives de me remettre au blogging sur la plateforme wordpress et qui ne m’a jamais réellement satisfaite. J’y parlais de comment, au détour d’un arrêt de bus, j’avais fait tout à fait par hasard la découverte du travail d’Izumi Miyazaki. Nous sommes alors en 2017, et le centre d’arts dramatiques Humain trop humain de Montpellier (depuis renommé le Théâtre des 13 vents) a choisi le travail de la jeune japonaise pour promouvoir son programme pour la saison 2017–2018.
Mais que sait-on d’Izumi Miyazaki ? Et bien… Pas grand chose. Il s’agit d’une jeune artiste japonaise qui se spécialise dans la photographie, et plus particulièrement l’autoportrait. Et quels autoportraits ! Elle se met en scène de manière tout à fait surprenante : le résultat est surréaliste, mais aussi résolument moderne. Attention cependant : son univers décalé n’est pas toujours sans rapport à la réalité. Par ses représentations d’elle-même, elle nous donne à voir une vision de la société dans laquelle nous vivons, et dans laquelle elle s’insère en tant que femme japonaise.
Izumi Miyazaki a découvert l’art de la photo très jeune, en empruntant l’appareil photo de son père. On peut dire que la rencontre a été fructueuse : a même pas vingt-cinq ans, son travail ne s’est pas fait remarquer qu’au sein de son école d’art, mais à l’international. On retrouve des articles chez elle dans des journaux tous publics comme CNN, Libération ou le Times magazine. Elle a aussi exposé dans des villes comme Paris, Kyoto, ou encore au Luxembourg. L’artiste possède aussi un Tumblr, très régulièrement mis à jour, où est disponible la plupart, si ce n’est l’intégralité de son travail. Ses photos ont un côté ludique : j’ai l’impression qu’elle joue à un jeu auquel elle invite le spectateur à prendre part. Pour reprendre ses mots : “J’avais l’impression de jouer. Surtout, je me suis rendu compte que je pouvais enfin faire les images que j’avais envie de voir”. Cela explique ce regard pointé vers celui qui la regarde dans de nombreuses œuvres : il s’agit d’un jeu entre elle et le spectateur. Tantôt défiant, tantôt inexpressif, parfois détourné : il fait partie à part entière de la composition, il s’agit presque d’une porte d’entrée. Parfois, il nous fait nous sentir un peu voyeur — ce sur quoi la publication de ses photos sur Tumblr pourrait presque jouer, puisqu’il s’agit d’un réseau social, associé par certains au voyeurisme.
J’ai choisi de débuter cette série en parlant de cette artiste car j’aime beaucoup son travail et les façons qu’elle a de se mettre en scène. Si vous parcourez son Tumblr, vous pourrez voir que certaines compositions sont oniriques, d’autres carrément dérangeantes — il y a aussi celles qui font plus références aux normes sociales sur le corps (féminin ?) et sa représentation. il y J’aime cette variété, et aussi la douceur de son travail. C’est ce qui, je pense, m’a touché chez elle, et j’espère que cela touchera certain d’entre vous aussi ! Si vous voulez voir plus de photos de son travail, je vous invite à regarder son tumblr ou à cliquer sur “lire la suite”
Ce qui est incroyable dans le travail d’Iyumi Miyazaki, c’est qu’elle arrive à faire un travail relevant du selfie, en y ajoutant une touche biographique et un message sociétal sur la société d’aujourd’hui du paraître. Que penser d’elle nous regardant de manière presque provocante, isolante, utilisant un rasoir pour mettre à nu le fruit interdit cueilli par Eve dans la Bible ? Par ses portraits et le reflet d’elle-même, madame Miyazaki établi avec brio un miroir dérangeant avec nous-même et notre société.
Poète lesbienne, Mary Oliver a fait ses débuts dans la pauvreté, et parle souvent de revenir aux choses simples de la vie : bien les regarder, comprendre ce qu’elles ont de magique ou de mystique. C’est pourquoi contrairement à d’autres poètes, elle écrivait très peu sur les gens, et beaucoup sur de petits détails que l’on ne s’arrête pas forcément regarder, comme un caillou ou un poisson.