Une chambre à soi

Écrivez ce que vous désirez écrire, c’est tout ce qui importe, et nul ne peut prévoir si cela importera pendant des siècles ou pendant des jours.

Virginia Woolf, Une Chambre à soi

Les autoportraits surréalistes d’Izumi Miyazaki : un parti pris créatif qui nous confrontent à la société actuelle

Izumi Miyazaki Izumi Miyazaki

Bon­jour à tous !

Je voudrais prof­iter de ce dernier mois de vacances pour lancer sur ce blog un pro­jet qui me tient à coeur : par­ler de mes artistes féminines préférées au tra­vers une série d’ar­ti­cles. Je ne sais pas si j’ar­riverai à leur faire hon­neur, ni à tenir mes réso­lu­tions, et encore moins à trou­ver un pub­lic par ici. Afin de com­mencer en douceur, j’aimerais réécrire un arti­cle que j’avais fait pour une de mes anci­ennes ten­ta­tives de me remet­tre au blog­ging sur la plate­forme word­press et qui ne m’a jamais réelle­ment sat­is­faite. J’y par­lais de com­ment, au détour d’un arrêt de bus, j’avais fait tout à fait par hasard la décou­verte du tra­vail d’Izu­mi Miyaza­ki. Nous sommes alors en 2017, et le cen­tre d’arts dra­ma­tiques Humain trop humain de Mont­pel­li­er (depuis renom­mé le Théâtre des 13 vents) a choisi le tra­vail de la jeune japon­aise pour pro­mou­voir son pro­gramme pour la sai­son 2017–2018.

Mais que sait-on d’Izu­mi Miyaza­ki ? Et bien… Pas grand chose. Il s’ag­it d’une jeune artiste japon­aise qui se spé­cialise dans la pho­togra­phie, et plus par­ti­c­ulière­ment l’au­to­por­trait. Et quels auto­por­traits ! Elle se met en scène de manière tout à fait sur­prenante : le résul­tat est sur­réal­iste, mais aus­si résol­u­ment mod­erne. Atten­tion cepen­dant : son univers décalé n’est pas tou­jours sans rap­port à la réal­ité. Par ses représen­ta­tions d’elle-même, elle nous donne à voir une vision de la société dans laque­lle nous vivons, et dans laque­lle elle s’in­sère en tant que femme japon­aise.

Izumi Miyazaki Izu­mi Miyaza­ki a décou­vert l’art de la pho­to très jeune, en emprun­tant l’ap­pareil pho­to de son père. On peut dire que la ren­con­tre a été fructueuse : a même pas vingt-cinq ans, son tra­vail ne s’est pas fait remar­quer qu’au sein de son école d’art, mais à l’in­ter­na­tion­al. On retrou­ve des arti­cles chez elle dans des jour­naux tous publics comme CNN, Libéra­tion ou le Times mag­a­zine. Elle a aus­si exposé dans des villes comme Paris, Kyoto, ou encore au Lux­em­bourg. L’artiste pos­sède aus­si un Tum­blr, très régulière­ment mis à jour, où est disponible la plu­part, si ce n’est l’in­té­gral­ité de son tra­vail. Ses pho­tos ont un côté ludique : j’ai l’im­pres­sion qu’elle joue à un jeu auquel elle invite le spec­ta­teur à pren­dre part. Pour repren­dre ses mots : “J’avais l’impression de jouer. Surtout, je me suis ren­du compte que je pou­vais enfin faire les images que j’avais envie de voir”.  Cela explique ce regard pointé vers celui qui la regarde dans de nom­breuses œuvres : il s’ag­it d’un jeu entre elle et le spec­ta­teur. Tan­tôt défi­ant, tan­tôt inex­pres­sif, par­fois détourné : il fait par­tie à part entière de la com­po­si­tion, il s’ag­it presque d’une porte d’en­trée. Par­fois, il nous fait nous sen­tir un peu voyeur — ce sur quoi la pub­li­ca­tion de ses pho­tos sur Tum­blr pour­rait presque jouer, puisqu’il s’ag­it d’un réseau social, asso­cié par cer­tains au voyeurisme.

J’ai choisi de débuter cette série en par­lant de cette artiste car j’aime beau­coup son tra­vail et les façons qu’elle a de se met­tre en scène. Si vous par­courez son Tum­blr, vous pour­rez voir que cer­taines com­po­si­tions sont oniriques, d’autres car­ré­ment dérangeantes — il y a aus­si celles qui font plus références aux normes sociales sur le corps (féminin ?) et sa représen­ta­tion. il y J’aime cette var­iété, et aus­si la douceur de son tra­vail. C’est ce qui, je pense, m’a touché chez elle, et j’e­spère que cela touchera cer­tain d’en­tre vous aus­si ! Si vous voulez voir plus de pho­tos de son tra­vail, je vous invite à regarder son tum­blr ou à cli­quer sur “lire la suite”

Ce qui est incroy­able dans le tra­vail d’Iyu­mi Miyaza­ki, c’est qu’elle arrive à faire un tra­vail rel­e­vant du self­ie, en y ajoutant une touche biographique et un mes­sage socié­tal sur la société d’au­jour­d’hui du paraître. Que penser d’elle nous regar­dant de manière presque provo­cante, isolante, util­isant un rasoir pour met­tre à nu le fruit inter­dit cueil­li par Eve dans la Bible ? Par ses por­traits et le reflet d’elle-même, madame Miyaza­ki établi avec brio un miroir dérangeant avec nous-même et notre société.

Bar­bara Fer­reres

Quelques pho­tos en vrac :

Izumi Miyazaki et ses autoportraits surréalistes

Izumi Miyazaki

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Izumi Miyazaki

2 réponses à “Les autoportraits surréalistes d’Izumi Miyazaki : un parti pris créatif qui nous confrontent à la société actuelle”

  1. Avatar de Kairos Chimera

    Encore une très jolie décou­verte. Mer­ci pour cela. Cette artiste me sur­prend car à tra­vers l’é­go­por­trait comme dis­ent nos amis québe­cois, elle dépasse le cadre du soi pour nous amen­er vers la réflex­ion et instau­re un dia­logue qui, je pense est pour beau­coup du au fait qu’elle nous regarde.

  2. Avatar de La Dame au Thé

    Eh bien dites donc, sachez que cela fait une heure que j’es­saie de répon­dre à votre com­men­taire, qui sem­ble mau­dit : j’ai beau le rédi­ger, le copi­er, il s’ef­face tou­jours avant que je puisse le finir. Grâce à vous j’ai activé la fonc­tion de récupéra­tion du presse papi­er sur Win­dows 10.

    Au cas où, j’ai détail­lé cer­tains aspects pour les per­son­nes qui liraient cet échange, je vous prie de ne pas vous en offenser.

    Tout d’abord, je voulais vous remerci­er pour votre com­men­taire, que je trou­ve très juste dans la con­sid­éra­tion de l’œuvre d’Izu­mi Miyaza­ki. La notion “d’é­go­por­trait” venue de nos amis québé­cois et que vous amenez ici me sem­ble par­ti­c­ulière­ment per­ti­nente. Avant, les rich­es se fai­saient pein­dre, main­tenant, nous pou­vons tous nous poster sur les réseaux soci­aux, à la vue du monde entier. Cette omniprésence — que cer­tains cri­tiquent — de “l’é­go” et de l’au­to­por­trait pho­tographique est pour­tant nég­ligée en tant que médi­um artis­tique à part entière. Si cela serait un sujet d’é­tude fort intéres­sant, Izu­mi Miyaza­ki parvient à faire un tra­vail riche en util­isant sa per­son­ne. Son égo, bien que présent, se fait tan­tôt dis­cret; tan­tôt omniprésent et dérangeant. Le fait que son tra­vail soit posté sur un tum­blr per­son­nel (au cas où, un réseau social de micro-blog­gling — bien que d’a­van­tage ori­en­té vers la créa­tion et/ou les com­mu­nautés de fans ou fan­dom) appuie cette démarche.

    Cela est à mon sens appuyé par ce que vous pointez du doigt : l’om­niprésence du regard. En his­toire de l’art, le regard joue une impor­tance cap­i­tale dans la com­po­si­tion de l’œuvre et/ou sa sig­ni­fi­ca­tion. Il doit pou­voir être lu sans con­nais­sances préal­ables — à l’époque de la mon­di­al­i­sa­tion du lan­gage pic­tur­al via les réseaux soci­aux, cela facilite la lec­ture des pho­tos de Miyaza­ki qui utilisent juste­ment ce médi­um util­isé dans de nom­breux pays où la nav­i­ga­tion inter­net se fait facile­ment.

    Prenons par exem­ple la pho­to où elle sem­ble, ras­er une pomme. Le regard est ambigu, entre l’in­no­cence de la jeunesse, la provo­ca­tion de l’adolescence, avec en même temps un jeu ne sais quoi du geste quo­ti­di­en. En nous regar­dant, elle sem­ble met­tre en scène par ses yeux les nom­breuses choses qu’im­pliquent l’art de se ras­er dans l’é­d­u­ca­tion de la plu­part des femmes cis­gen­res.

    La pomme, sym­bole d’Eve et de l’ar­bre de la con­nais­sance mis à nus, sem­blent presque indi­quer qu’elle nous regarde et nous force à regarder quelque-chose que l’on veut cacher au nom du sociale­ment accept­able. Con­traire­ment à nos homo­logues mas­culins, les pubs pour rasoirs féminins se font dans le non dit, sur des jambes déjà glabres. Ici, Miyaza­ki brise le tabou en dénudant la peau et en nous regar­dant, ce qui peut créer un malaise.

    J’avoue avoir oublié le terme tech­nique, mais dans cer­tains tableaux, un per­son­nage vient directe­ment regarder le spec­ta­teur, un peu comme un per­son­nage médi­a­teur qui per­met de ren­tr­er dans l’his­toire du tableau. Sans vouloir faire une lec­ture occi­den­tal­isé des pho­tos de Miyaza­ki, j’ai l’im­pres­sion que l’on peut retrou­ver quelque-chose de cette idée dans cer­taines de ses pho­tos, pas toutes évidem­ment. Seule­ment, dans des pho­tos comme celles d’Izu­mi Miyaza­ki, où elle est par exem­ple tenue dans une main et habil­lée comme une poupée, il s’ag­it d’un tête à tête, ce qui peut créer une impres­sion de malaise.

    Mer­ci beau­coup pour cette notion de regard que je n’avais que sur­volée et que j’ai peut-être cette fois trop détail­lée.

    Pour les curieux :
    • “The pow­er of Gaze : How Artists Evoke Emo­tions through the Eyes”, Por­traits, Inc., https://portraitsinc.com/blog/the+power+of+the+gaze:+how+artists+evoke+emotion+through+the+eyes/ (anglais)
    • “Le regard des per­son­nages”, Com­po­si­tion Pic­turale, https://www.composition-picturale.com/les-regards-des-personnages (français)

    Bonne soirée 🙂

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